Témoignage de Soleyne, la fondatrice de Yoga&Me.

En tant que fondatrice d'une jeune start-up dans la tech, j'ai pensé qu'il serait intéressant de vous faire un retour d'expérience honnête sur mon vécu ainsi qu'un focus sur le women empowerement.

La situation en 2021

Pendant une dizaine d'années, les femmes ont été sous-représentées dans le milieu de la technologie et du digital, voire mal-menées. On les cantonnait volontiers aux fonctions du marketing et de la communication et on moquait leurs facultés à coder ou diriger des équipes essentiellement masculines.

À ce jour, encore trop peu de femmes ont sorti leur épingle du jeu dans la très fameuse Silicon Valley. Elles constituent un tiers de l'effectif de Google et moins du quart chez Facebook. Parmi les PDG du top 150 des plus grosses start-up de la Valley, on compte seulement 6% de femmes. Parmi elles, la très fameuse Susan Wojcicki, qui dirige le groupe Youtube depuis 6 ans. On aime Susan pour son engagement dans la cause féminine qu'elle soutient via un mouvement nommé "women empowerement".

La tech dans mon quotidien

Je suis la fondatrice d'une jeune plateforme permettant aux studios de yoga de gérer leur activité en ligne. Je baigne donc dans le milieu de la tech, du code, des hackatons, des unicorns, des crunch times, du dog fooding, du vaporware, sans oublier bien sûr l'insupportable DISRUPTION qu'on trouve dans tous les pitchs et qui me donne envie de me pendre.

J'adore mon travail et je me considère bien accompagnée et entourée. Mais je constate malgré tout au quotidien à quel point cet univers est hostile aux femmes.

Je regarde en ce moment la série américaine Silicon Valley, qui se déroule dans le quotidien d'une petite bande de développeurs boulets. Là encore, pas l'ombre d'une femme parmi les héros codeurs. Les seuls personnages féminins que l'on croise sont des clichés de femmes hystériques et masculines. On croise bien une jolie codeuse dans la saison 3, qui tout au long de l'épisode se fait prendre pour la barman car personne ne peut croire qu'une belle nana comme elle puisse écrire des lignes de code efficaces. C'est génial de vérité, tout est dit.

Je fais partie de l'incubateur Unitec, qui soutient les start-up de la tech du bassin Aquitain depuis 30 ans. Unitec soutient les hommes et les femmes de façon absolument équitable et remarquable. Pourtant dans ma promo, on compte encore peu de femmes pour une majorité de projets portés par des hommes.

On parle de la tech comme du "game-changer" de notre siècle. Alors je m'interroge : pourquoi les femmes sont-elles encore les grandes oubliées du changement ?

Le Women Empowerement de Queen Susan

L'univers des grands groupes tech américains étant particulièrement machiste, je voue un culte aux quelques femmes qui ont su s'imposer dans cette jungle de phéromones mâles. Je pense par exemple à Sheryl Sandberg chez Facebook mais surtout à  Susan Wojcicki, la  tête de proue du mouvement Women empowerement.

C'est dans la foulée de ce mouvement, que l'on voit fleurir partout dans le monde de la tech des initiatives visant à favoriser la mixité, susciter des vocations et encourager les femmes à s’impliquer dans l’informatique. Il existe aujourd'hui une myriade d'opportunités, d'appels à projets, d'incubateurs et d'aides, visant à pousser les femmes vers les métiers de la tech, pour n'en citer que deux : Femmes@Numérique ou Girls in Tech

Ce qui éloigne les femmes de ces métiers, c'est avant tout : le manque de mentors féminins, le manque de réseau, une compétition interne aux équipes entre les sexes, et puis bien sûr l'habituelle charge mentale, les tâches domestiques, les congés maternité et tutti quanti.

Le women empowerement est un mouvement qui me plait énormément et dans lequel je me sens investie. Quand je recrute, je cherche toujours des femmes.

Ces dernières années, j'ai eu la chance de rencontrer des femmes plus expérimentées que moi, qui sont d'abord devenues mes idoles, puis mes mentors pour certaines. Elles me réservent volontiers un café entre deux rendez-vous, pour m'aider à avancer sur un point épineux ou simplement faire le point. L'une d'elles m'a dit un jour, après deux heures de debrief douloureux : "C'est génial ce que tu fais, tu es déjà arrivée tellement loin, il faut continuer." Ce jour là, j'ai persévéré, et c'est grâce à elle.

Ou sont passées les geekettes ?

Dans les années 50, les femmes ont joué un rôle majeur dans le développement de la programmation, du wifi et des logiciels. Et encore bien avant cela, la très fameuse Ada Lovelace (bien connue des codeurs et des féministes), qui a créé le tout premier logiciel. C'était en 1843, et à cette époque, les femmes représentaient 30 à 50% des effectifs dans le secteur des technologies.

Le secteur de la Tech va générer le plus grand nombre d’emplois au cours des années à venir. Alors où sont donc passées les femmes de la tech ?

L'image du geek masculin

Tech ou pas tech, les femmes travaillent globalement dans un monde d'hommes. Le patriarcat nous écrase à tous les échelons et chacune d'entre nous peut en témoigner. Mais la classification genrée des métiers est particulièrement vraie dans ce milieu de la technologie.

Dans l'imaginaire collectif, un développeur web est un adolescent boutonneux à lunettes, no-life, qui dort en cuillère avec sa console et mange des Cheerios aussi mous que lui. Quand le micro-ordinateur a fait son entrée sur le marché dans les année 80, nous avons vu fleurir partout des campagnes d'affichage montrant des hommes, et uniquement des hommes.

Les hommes concentrent encore la majorité des leviers permettant le changement, et particulièrement dans le secteur des TIC (technologies de l’information et de la communication) ou on compte seulement 17% de femmes.

Ces 10 femmes qui pèsent dans le game

Voici une liste non exhaustive de profils féminins intéressants à suivre de près. Elle n'est pas de moi, mais je la partage ici car ce sont des profils que j'aime suivre également et qui pourront vous intéresser.

1-Clémence Coursimault et Clémentine Guyon, cofondatrices de Karamel

Les fondatrices de l’application Karamel, qui oeuvre à accompagner les parents dans la découverte d’activités pour leurs enfants. Un projet qui s’est vu, en novembre dernier, intégrer la liste des 40 pépites les plus prometteuses de Station F.

À lire aussi : Karamel, pour proposer des activités épanouissantes aux enfants

2-Charlotte de Vilmorin, cofondatrice de Wheeliz

Tétraplégique de naissance, Charlotte de Vilmorin a débuté en tant que blogueuse, en partageant des histoires de sa vie en fauteuil roulant sur son blog Wheelcome. En 2015, elle crée Wheeliz, une plateforme collaborative de location de voitures aménagées pour les personnes en fauteuil roulant. La plateforme compte près de 10 000 utilisateurs à ce jour.

3-Joanne Kanaan et Anna Shirinskaya, cofondatrices d’Omini Labs

Diplômées de Normale Sup’ et Polytechnique (rien que ça), les deux chercheuses, spécialisées dans le domaine médical, ont fondé Omini Labs afin de proposer aux professionnels un dispositif capable de fournir des analyses de sang immédiates.

4-Elham Kashefi, professeure d’informatique quantique

Professeur à l’Université d’Edimbourg et chercheuse CNRS à l’Université de la Sorbonne, Elham se passionne pour l’informatique quantique. Ses recherches se sont notamment portées sur la cybersécurité à l’heure du quantique, la cryptographie quantique, ou encore la vérification de l’informatique quantique.

5-Stéphanie Leplus, Chief Data Officer chez LeBonCoin

Sélectionnée pour être l’une « des rares femmes chefs des services informatiques » en activité, Stéphanie LePlus est aujourd’hui Chief Data Officer de LeBonCoin, où elle gère une équipe de 40 personnes.

6-Madeleine Morley et Paola Tuelières, cofondatrices de Tomojo

Madeleine et Paola ont cofondé Tomojo, une startup qui s’attaque à l’alimentation des animaux domestiques en développant des croquettes aux insectes pour chien et chat, enrichies en protéines. Une offre qui permet de protéger, entre autres, les ressources de notre planète puisque, selon l’Imperial College de Londres, la production de croquettes à partir de farine d’insectes consomme 100 fois moins de CO2 que la production d’un kilos de viande de boeuf, 200 fois moins d’eau que la production d’un kilos de de viande de poulet et ne requiert aucun antibiotique contrairement à la plupart des élevages de saumons.

7-Sandrine Murcia, cofondatrice de Cosmian

Sandrine est à l’origine de Cosmian, une startup qui développe une technologie de chiffrement des données qui permet d’exploiter et d’analyser ces dernières sans entamer leur confidentialité. La société a récemment levé 1,4 million d’euros avec Elaia Partners, Fiblac et quelques business angels de premier plan, dont le fondateur de Dataiku.

À lire aussi : Cosmian lève 1,4 million d’euros pour ouvrir les données de façon responsable

8-Maeliza Seymour, fondatrice de CodistAI

Une femme développeuse, à la tête d’une startup dédiée à l’accompagnement des développeurs ! Maeliza a en effet fondé CodistAI, une plateforme qui aide les développeurs à explorer et à naviguer dans le code source.

9-Morgane Sézalory, fondatrice de Sézane

On ne présente plus Sézane, cette jolie marque de prêt-à-porter fondée par Morgane Sézalory, une entrepreneure « autodidacte » qui a réussi à convaincre notamment General Atlantic d’investir dans son entreprise.

10-Ersilia Vaudo Scarpetta, chef de la diversité à l’Agence spatiale européenne

Astrophysicienne est responsable de la diversité à l’Agence spaciale européenne. Elle a contribué à l’élaboration de stratégies de haut-niveau, au soutien à la formulation de la stratégie spatiale européenne et au programme d’Exploration Spatiale de l’agence spatiale européenne.

Mon engagement pour le women empowerement est donc le suivant : afin de faire évoluer les choses à ma façon, à mon tour je prends le temps de mentorer des jeunes femmes, de les encourager, de leur partager mon réseau. Cet article est mon premier pas vers la reconnaissance du déséquilibre en place.

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